Pour la première fois dans l'histoire de la pensée, Ibn Khaldoun crée une anthropologie universelle dont l'humanité n'a pas cessé, à ce jour, de percer le secret. C'est tout là le génie des grands hommes.
Le colloque «Autobiographie et histoire, d'Ibn Khaldoun à nos jours» organisé à Beït Al Hikma, à Carthage, par le comité scientifique de l'Unité de recherche Femme et Méditerranée, présidé par le professeur Hédia Khadhar, avec la collaboration du ministère de la Culture, de la faculté des Sciences humaines et Sociales de Tunis, de l'Institut français de coopération, de l'Académie Beït Al Hikma et de Cérès, a démarré jeudi et devra se poursuivre jusqu'à aujourd'hui, samedi, en présence d'un grand nombre de personnalités académiques parmi les plus prestigieuses. Nous citerons entre autres :
- Jean-Claude Bonnet, Paris IV Sorbonne/CNRS, grand spécialiste du XVIIIe siècle, qui parlera d'un sujet évocateur de l'esprit du colloque «Autobiographie et histoire de Mercier à Châteaubriand» - José-Luis Diaz, Paris VII, spécialiste de l'autobiographie, le sujet sera sur «1830, date intime»
- Brigitte Diaz, Université de Caen «Narcise, histoire : écriture de soi et écriture de l'histoire dans la vie de Henry Brulard»
- Philippe Lejeune, Paris VIII, fondateur du genre autobiographique de notoriété internationale parlera des «Témoins de l'Histoire à l'association pour l'autobiographie».
- Fatma Haddad, FSHS Tunis de «Assia Djebar, romancière algérienne, femme arabe»
- Mondher Achour, FSHS Tunis des «Rêveries d'un promeneur solidaire : réputation, répétition, réfutation».
L'irrationnel et le délire responsable de nos maux
Dans une brève intervention, à l'ouverture du colloque, les professeurs H'maïed Ben Aziza, doyen de la FSHS, et J.L.Diaz se sont relayés pour scruter brièvement les divers aspects de l'actualité d'Ibn Khaldoun de plus en plus remise à jour.
Le premier à prendre la parole au cours de la première séance était le Pr Abdelwahab Bouhdiba, président de l'Académie Beït Al Hikma. Il a remercié les éminents spécialistes venus d'horizons divers, du Nord comme du Sud, qui s'activent à jeter les bases du renouvellement des études sur Ibn Khaldoun. Il a tenu également à rendre hommage à l'Espagne, d'où sont originaires les parents de l'illustre penseur tunisien, qui a fini par assimiler son passé musulman, scellant ainsi la réconciliation avec le monde arabe et indiquant la voie à suivre à une Europe, encore frileuse.
Ensuite, il a situé dans l'espace et dans le temps le cadre qui a vu naître l'année Ibn Khaldoun et la contribution de l'Etat tunisien, le Président Ben Ali en tête, à donner à cette commémoration l'audience la plus large. C'est pour la première fois depuis 600 ans que le penseur tunisien fait l'objet d'un hommage international soutenu. La magnifique exposition qui se tient actuellement à la Bibliothèque nationale de Tunis en est la preuve.
Le professeur Bouhdiba a fait part de ses regrets quant au peu de cas réservé dans les sociétés arabes à l'auteur du Kitab Al-Ibar, malgré tous les efforts consentis par la Tunisie, l'Espagne, la France, et la Grande-Bretagne.
«Le miroir khaldounien continue toujours, six siècles après, à nous renvoyer encore une image dérisoire de nous-mêmes. Le discours des Prolégomènes ne cesse de révéler, jusqu'à la caricature, nos propres défaillances. A quelques exceptions près, la maison de Loqman demeure en l'état malgré les bouleversements de fond.
L'irrationnel et le délire sont en train de ruiner nos efforts les plus courageux», devait-il déclarer.
Cette première séance, présidée par Mme Fatma Haddad (FSHS Tunis) a mis en avant les interventions du Pr Mounira Chapoutot, FSHS Tunis, universitaire émérite, versée dans les études ottomanes et hispaniques qui a présenté un travail exhaustif sur la biographie et l'autobiographie au temps d'Ibn Khaldoun.
Tandis que les professeurs Jalila Tritar, FSHS Tunis et Anwar Al-Mortagi, Mohamed V, Rabat, ont parlé de l'identité d'Ibn Khaldoun dans le Ta'arif, et de l'essai de comparaison entre Ibn Khaldoun le Marocain Abdallah Laroui?
Le professeur M'hamed Dahi, faculté des Lettres de Casablanca, un habitué des colloques, a consacré son exposé au périple d'Ibn Khaldoun à l'Est et à l'Ouest. Il a explicité la relation entre l'historique et l'autobiographique dans le récit autodiégétique d'Ibn Khaldoun. Il a également rendu hommage au métier de l'historien et du talent de l'autobiographe en joignant le plaisir littéraire à la documentation exhaustive. A ce sujet, le conférencier dit : «La visée littéraire se manifeste dans la manière dont il relate ses aventures et dévoile ses fantasmes et ses aspirations. L'alternative était simple pour lui, une vie de cour dans la proximité des souverains ou une vie de retraite. A la suite de divers déboires, Ibn Khaldoun se retire à Qalaât Ibn Salama, dans l'Ouest algérien, pour tourner la page».
Les trois prochaines séances seront présidées par Françoise Simonet, Paris XIII, José-Luis Diaz, Paris VII et Hédia Khadhar, FSHS Tunis.
La Presse