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D'un colloque à l'autre….Pierre Marillaud

Chères et chers collègues ayant participé au XXXIVe colloque d'Albi,
Je ne suis pas persuadé de l'utilité de vous transmettre les lignes qui suivent, mais je le fais quand même car, le XXXIVe colloque terminé, il m'était difficile de ne pas écrire quelques lignes sur les débats passionnants qui l'animèrent ( photo Pierre Marillaud )
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Je ne suis pas persuadé de l'utilité de vous transmettre les lignes qui suivent, mais je le fais quand même car, le XXXIVe colloque terminé, il m'était difficile de ne pas écrire quelques lignes sur les débats passionnants qui l'animèrent. Je prends tout de suite la précaution d'affirmer qu'il ne s'agit surtout  pas d'une synthèse, d'un résumé, d'un compte-rendu, d'une analyse de l'ensemble de vos communications, ce que je serais bien incapable de faire. Non, il s'agit tout simplement d'une évocation désordonnée des thèmes qui retinrent notre attention pendant plusieurs journées, et ce au moment où le discours d'autorité du ministre français de l'intérieur traite de la crise d'autorité de toutes les instances.... Patchwork, assemblage ou empilage disparates, mosaïque aléatoire, "salmigondis" ( comme disait un mes anciens professeurs en laissant tomber avec mépris sur le sol les mauvaises copies que nous devions ramasser...), délayage, et/ou tout ce que vous voudrez.... Je me suis contenté de surfer sur les souvenirs du colloque, et j'ai même ajouté parfois mon grain de sel ( on peut vouloir relever un salmigondis..., le ragoût étant affaire de cuisine !) . Je ne me suis pas contenté d'évoquer les communications, j'ai également fait des allusions à des discussions qui eurent lieu à table, ou sous la galerie en attendant le tintement de la cloche...!
Je me permets quand même de  remercier tous les participants pour le travail fourni et la qualité d'ensemble des communications qui ont fait de cette session une session  particulièrement vivante et animée, et ce dans le meilleur esprit. Il est vrai que traiter du discours d'autorité à une période où les tensions économiques, sociales, politiques, religieuses se manifestent un peu partout à la surface de la planète ne pouvait laisser indifférent. Automatiquement, traiter du discours d'autorité et du discours de l'autorité allait mettre en jeu des concepts tels que la règle, la loi, la vérité, la norme, la réalité, la valeur, la foi, la rationalité, la compétence, le véridictoire, la manipulation, etc., et, bien sûr leurs contraires ...Et de tout cela il fut forcément question dans les différentes démarches des chercheurs..
Sciences du langage obligent, la grammaire fut sur la sellette, et malgré le propos fort connu de Flaubert (dont il ne fut pas question au colloque) :
" La médiocrité choisit la Règle ; moi je la hais. Je me sens contre elle et contre toute restriction, corporation, caste, hiérarchie, niveau, troupeau, une exécration qui m'emplit l'âme, et c'est par ce côté-là peut-être que je comprends le martyre"[1],
on continua de se demander s'il fallait dire ainsi et ne pas dire comme ça...., mais il apparut très clairement qu'il y a les règles de grammaire justifiées et celles qui ne le sont pas..., "Le bon usage"[2] restant à la fois discours d'autorité et discours de l'autorité...Le "la langue est fasciste" abusif de Roland Barthes fut cité et prêta à discussion.  Cependant le solitaire de Croisset aurait-il encensé ce propos d'un communiquant : "Je crains bien que nous ne nous débarrassions jamais de Dieu, puisque nous croyons à la grammaire encore". Par ailleurs l'illustre Gustave eût sans doute entendu avec plaisir que la poésie est le discours qui impose son autorité par le fait qu'elle use de toutes les ressources de la langue, lui qui pensait que "la poésie était la nature exquise, le cœur et la pensée réunis". Mais nul doute que Flaubert ressentait ce vertige créé par le surplomb de la langue qui nous parle avant que nous ne parlions d'elle, ainsi que l'écrivait M.Foucault qui fut cité à ce propos. Il fut aussi question d'une langue qui tait  et dont les silences ou omissions volontaires peuvent devenir  l'expression d'un discours d'autorité comme le célèbre " Oui, nous pouvons" du discours du candidat Obama. Le vide créé par l'absence d'objet renforça le modal, et ouvrit la porte des rêves à l'imagination de chacun...Nous connaissons la suite ! Manipulation diront les sémioticiens, le sujet du "faire faire" ayant pour objet non une chose, mais un être humain...Mais tout discours n'est-il, pas manipulateur ? Barbey d'Aurevilly fut présenté comme le maître de la manipulation pour mener son lecteur en bateau et mettre à faux l'autorité littéraire. Quant au discours politique, il s'affirme par ses ambiguïtés tout en se prétendant clair, le jeu sur les pronoms et l'ensemble des déictiques  étant un bel exemple d'une stratégie ayant pour fin de brouiller les pistes. Le malentendu involontaire en politique peut entraîner un affaiblissement de l'autorité de son auteur, mais il arrive aussi que le malentendu cherché soit également un processus de brouillage...En Russie en revanche, sous les tsars, le discours politique se veut autoritaire a priori, ce trait se justifiant par la considération que ce discours est aussi celui de la terre russe, la politique étant considérée ou conçue comme un mécanisme. Nicolas Karamzine, historien vénéré du début du XIXe siècle, n'avait-il pas attribué la grandeur de la Russie à l'autocratie et la permanence d'un Etat fort qu'il ne fallait absolument pas remettre en cause ? Tchaïkovski établit-il une relation entre la force du pouvoir russe et celle du destin de la Russie telle qu'elle est décrite dans ses dernières symphonies ?
Des exemples concrets de discours de sujets investis d'une autorité politique ou religieuse dans la société occidentale contemporaine comme  Sarkozy, Benoît XVI,  furent analysés. S'agissant de l'ancien président de la République, c'est à loupe du logiciel hyperbase que sa rhétorique, son volontarisme, et son égocentrisme exacerbé furent mis en évidence. L'analyse avec des moyens plus traditionnels du discours de Benoît XVI, en particulier par un recensement précis des marqueurs lexico-grammaticaux, montra la dimension politique d'un discours considéré a priori comme religieux. On comprend  comment s'y prit ce Pape pour adresser un message qui avait sans doute pour finalité de porter au-delà de la communauté chrétienne. La mise en évidence des aspects phonologiques des discours d'autorité que sont les discours présidentiels montra, s'agissant de ceux des hommes politiques français,  le démarquage affirmé par rapport au français ordinaire. La république aurait-elle du mal à surmonter des habitudes monarchiques si fortement implantées? Quant aux rapports entre la maxime morale et la maxime politique, ils définissent une autorité commune évidente, mais, si le rôle des maximes apparaît comme étant commun à toutes les sociétés, il est plus délicat de comprendre comment elles agissent et à quels besoins elles répondent.  Il est vrai que fut soutenue l'idée qu'une fusion sémantique se produit inévitablement entre le discours d'autorité politique et les topoi, ou lieux communs, et qu'il s'agit là d'un mécanisme universel mis en évidence par la méthode de "l'écologie de la langue". Il faut noter que le rôle des media  est tel qu'on se demande si la télévision n'est pas le sujet manipulateur faisant ou défaisant les hommes politiques. La manipulation de l'information par la place qu'elle accorde aux rumeurs devient un efficace instrument de promotion  ou de ruine des hommes de pouvoir. Il fut ainsi question de démocratie électronique, particulièrement en référence à Bourdieu, et il apparut que l'autorité acquise par un individu ou un groupe, souvent à partir d'un capital symbolique, n'est jamais éternelle car elle évolue sans cesse tout au long de l'histoire à laquelle elle participe sous les formes les plus variées et parfois très instables.
Si le dictionnaire est un ouvrage faisant autorité par définition, on nous rappela le temps où le dictionnaire Larousse des années 50 comportait encore des pages roses faisant autorité dans l'ouvrage d'autorité, ces pages étant réservées en grande majorité  aux locutions latines (maximes et adages) et à leur traduction. Mais l'autorité peut s'affaiblir ou se perdre et la maison Larousse abandonna ces pages roses, peut-être à cause du mépris affiché par certains milieux intellectuels français à l'endroit de ceux qui les consultaient...
Il arrive que  les langues se contestent entre elles ou contestent telle langue officielle par des déformations, des dérives sémantiques, des tournures argotiques, etc. Ainsi, dans les régions socialement très défavorisées, où vivent sans travail et livrés à eux-mêmes de nombreux jeunes français, ceux-ci, se considérant exclus de la société, construisent leur propre langue. Mais, symétriquement, de l'autre côté de la Méditerranée, des jeunes algériens vivant également dans des conditions difficiles, mêlent constamment à leur discours des mots français, voire des tournures françaises, en leur prêtant des significations particulières ; ils considèrent sans doute que le français reste une langue de pouvoir, donc faisant autorité, par provocation, dans leur milieu. Les traces du colonialisme, avec leurs conséquences néfastes,  sont loin d'être effacées encore aujourd'hui et les langues deviennent des enjeux de pouvoir et d'autorité dans des secteurs où justement le pouvoir légal est contesté. Ces conflits touchent parfois la littérature, sous une autre forme évidemment, et c'est ainsi que l'autorité du Robinson de Defoe déjà contestée par celle du Robinson de Michel Tournier, l'est de nouveau par le Robinson de Patrick Chamoiseau , natif de la Martinique, théoricien de la "créolité"  et prix Goncourt. C'est là un des paradoxes d'aujourd'hui : les spécialistes des langues des populations dominées sous la colonisation redonnent autorité aux parlers de leurs pays, mais en même temps écrivent aussi dans la langue qui fut celle du pouvoir : ce phénomène concerne l'ensemble des pays anciennement colonisés. C'est aussi en contestation aux milieux dominants et privilégiés que se construit le discours des rappeurs, dont l'autorité de chacun ne peut s'affirmer que par la domination du rival. Mais si la télévision peut faire des présidents, elle peut aussi faire des rappeurs très riches...
S'agissant du discours médical, il fut rappelé qu'il se doubla d'un discours religieux, quand  la peste noire fut présentée par le Pape Clément VI ( 1348) comme une sanction de Dieu contre le peuple des chrétiens. Une autre communication porta sur l'hégémonie du discours religieux  en médecine. Le discours d'autorité des médecins avait donc ses limites, mais il arrive aujourd'hui encore que ce soit le médecin lui-même qui se réfère à une autorité religieuse. Pendant que le colloque se déroulait le parlement irlandais vota une loi qui permettra, en cas de nécessité, de sacrifier le fœtus si cela sauve la mère, et ce à la suite du décès tout récent d'une jeune dentiste à qui, pour des raisons religieuses, son médecin refusa l'avortement. L'adoption de cette loi a provoqué de vives réactions de la part du clergé irlandais, ainsi que dans les milieux conservateurs et catholiques du pays...Est-il nécessaire d'insister sur le poids encore écrasant des autorités religieuses et de leurs discours sur le destin des populations qui y sont soumises. Le concept du péché  dans l'épistémè anglo-irlandais fut abordé ainsi que le rapport entre le discours sur le péché et le discours d'autorité à partir de l'œuvre de Joyce. Il était clair que l'interprétation dynamique du péché constituait une des variables du discours moral d'autorité. L'idée d'un autre monde meilleur n'a pas fini de faire des ravages en celui-ci, car le meilleur des mondes des uns s'oppose au meilleur des mondes des autres...., d'où du sang, des larmes et des morts sur ordre des hiérarchies. Vivant  en un temps aussi troublé qu'aujourd'hui, Thomas Hobbes, dont il fut question, ne voyait qu'un pouvoir autoritaire fort pour protéger l'homme de lui-même. A noter que souvent critiqué violemment par les tenants de la liberté, il ne va pourtant pas aussi loin dans sa conception de l' Etat que le régime fascisant  (le mot est anachronique et déplacé, nous en convenons !) élaboré par  Platon....Les manuels de philosophie pour nos lycéens proposent toujours l'analyse du "mythe de la caverne", ( y compris avec dessin  explicatif !), mais sont plutôt discrets sur le livre V de la République qui précise  que "[les] femmes de nos guerriers seront communes toutes à tous ; aucune n'habitera en particulier avec aucun d'eux ; les enfants aussi seront communs, et le père ne connaîtra pas son fils, ni le fils son père" ou qui, un peu plus loin considère, que "s'en remettre au hasard pour les accouplements, ou pour toute autre action, c'est un chose que ni la religion ni les magistrats ne permettront dans une société de gens heureux. [...] il est dès lors évident que nous ferons des mariages aussi saints que possible, et nous regarderons comme saints ceux qui seront les plus avantageux à l'Etat". Suit  le passage où il est affirmé qu'il faudra sélectionner les individus  pour les accoupler comme on le fait pour les chiens et les oiseaux...Puis la cerise sur le gâteau : " Il faut, repris-je, d'après les principes que nous avons admis, que les sujets d'élite de l'un et l'autre sexe s'accouplent le plus souvent possible, et les sujets inférieurs le plus rarement possible ; il faut de plus élever les enfants des premiers, non ceux des seconds, si l'on veut maintenir au troupeau toute son excellence. D'un autre côté les magistrats doivent être seuls dans le secret de ces mesures, pour éviter le plus possible les discordes dans le troupeau des gardiens". Et enfin l'horreur : "Je veux ensuite que ces fonctionnaires portent au bercail les enfants des citoyens d'élite et les remettent à des gouvernantes, qui habiteront à part dans un quartier particulier de la ville ; pour les enfants des hommes inférieurs et pour ceux des autres qui seraient venus au monde avec quelque difformité, ils les cacheront, comme il convient, dans un endroit secret et dérobé".[3] Tous les philosophes connaissent ces textes, mais ce qui est agaçant c'est l'espèce de censure qui s'exerce sur eux dans les éditions scolaires qui omettent de les citer..., car oser contester l'autorité de Platon serait presque un péché.... , le dualisme étant sacré...! Ces choses étant dites, nous rejoignons François Châtelet avec qui nous avions eu l'occasion de parler quand il venait en vacances dans les Hautes Alpes, il y a un peu plus de quarante ans de cela, :
"Le projet platonicien du Savoir, la promesse chrétienne du salut ( et sa signification pour la conduite individuelle ici-bas) et la volonté contemporaine du bien-être ne sont-elles pas les avatars historiques principaux de ce devenir d'une Raison de plus en plus dominatrice, prenant de mieux en mieux conscience de ses limites et développant de ce fait, une répression de plus en plus agressive?[4]"
Quelques lignes plus loin le philosophe, malgré les contradictions et énigmes que rencontre le  lecteur, pense que le meilleur moyen de les surmonter est de "considérer qu'il est bon avant tout de connaître Platon" [5], avis que nous partageons entièrement.
Les universitaires réunis par le colloque furent peut-être surpris d'apprendre par certains d'entre eux que le discours universitaire, discours d'autorité, pouvait être un discours  violent ayant  une fonction à la fois discriminatoire et d'affirmation de soi...Il peut même arriver que le discours universitaire se transforme en "engueulade", comme tous les discours tenus sur les lieux de travail. Des expressions  telles que "remonter les bretelles", "passer un savon", "flanquer une avoinée", et quelques autres donnèrent lieu à une description ethnoaxiologique de discours se caractérisant  par le désir flagrant de faire valoir l'autorité de leurs énonciateurs.
Autre forme de l'affirmation de soi : en Iran par exemple, des conducteurs de véhicules routiers s'affirment en écrivant ce qu'ils pensent ou ce qu'ils sont ( ou croient être) à l'arrière de leur voiture ou de leur camion : c'est le phénomène des "endo-scripts". Ainsi, chaque propriétaire d'une voiture avec endo-script s'impose d'être conforme à ce qu'il écrit et le communique à la rue...Un type de discours qui se situe entre le tag et le blog et qui acquiert une certaine autorité parce qu'il s'adresse à toute une population.
A cette forme d'autorité, s'oppose celle du "Monde diplomatique" dont l'ethos de crédibilité devient un ethos d'autorité... Nous savons tous qu'il arrive même que certains lecteurs du journal "Le Monde" n'attribuent plus à ce quotidien les qualités de sérieux et d'objectivité qu'ils accordent encore au "Monde diplomatique"...Un vieux lecteur du "Monde" sait bien que tout change, même son journal favori... !
Les époques tiennent -elles un discours d'autorité dont la trace est la  marque de fabrique des personnages ? D'où la comparaison de la Médée d'Apollonios de Rhodes, personnage des Argonautiques, avec  la Médée d'Euripide qui la précéda de près de deux siècles. D'où la mise en évidence du caractère hétéroclite de la construction d'un personnage en littérature. Nous pouvons alors établir un lien avec les problèmes de traductions des textes littéraires qui furent évoqués en fin du colloque, car au discours d'autorité de la langue d'origine s'oppose celui de la langue cible, celui de l'époque de l'œuvre et de l'époque de la traduction, d'où de nombreux enjeux de pouvoir dans l'acte de traduire. Les autorités d'un temps se heurtent à celles du temps précédent, et c'est ainsi qu'il fut question de l'opposition du discours d'autorité des Lumières au discours d'autorité cartésien. Nous nous permettrons une remarque à ce sujet :
l'identité nationale n'a pas grand sens du temps  de Descartes, or au XVIIIe siècle avec le discours d'autorité des Lumières, c'est l'identité nationale et la notion de nation qui se construisent, c'est-à-dire que le discours d'autorité des nations en train de se construire va se substituer au discours de l'autorité aristocratique, et c'est aussi un des aspects de l'opposition des Lumières au rationalisme cartésien, ce dernier  ne remettant jamais en cause l'ordre social...Il fut aussi question de l'ouvrage célèbre, "Les travailleurs de la mer" de Victor Hugo, qui constitue  l'illustration de la mise en évidence des préoccupations du peuple, de sa vie quotidienne par un auteur faisant autorité, lui, l'ancien royaliste qui sans approuver la Commune, la comprendra et protestera contre le traitement qui fut infligé plus tard aux communards ! N'oublions pas que c'est Victor Hugo qui fit libérer Louise Michel qui avait été arrêtée après "les émeutes de la faim". Louise Michel, qui disait porter sa carabine sous son manteau, serait sans doute étonnée si revenant aujourd'hui, elle constatait une autre forme de violence autoritaire  existant toujours, celle faite aux femmes, et il fut intéressant de constater que si un véritable discours d'autorité au niveau de l'Europe se tient contre cette violence, il n'en reste pas moins vrai que beaucoup reste à faire en ce domaine. Sans parler du joug qu'exerce le machisme de toutes les religions monothéistes sur les femmes d'aujourd'hui, au point que l'excision est encore rituelle dans certains pays....
Les discours d'autorité varient avec le temps et l'on peut trouver les traces de ces variations dans des chroniques comme celles dont il fut question datant du règne d'Alphonse X en Espagne. Les objets eux-mêmes portent souvent des marques de discours d'autorité, le plus souvent les marques de discours d'autorités religieuses et politiques, comme on nous le fit constater, s'agissant d'objets du Musée de Gérone en Espagne. S'agissant d'objets, il fut également question d'objets abstraits comme par exemple " la notion" relevant du type logique des énoncés formant une sémiotique de second degré ou métatexte.
Les philosophes étaient présents et l'opposition d'Henri Lefebvre contre la "raison d'état" et le fait qu'il arracha Nietzsche aux hitlériens qui, sans doute, se percevant comme des surhommes, crurent se donner tous les droits, et particulièrement celui de massacrer. C'est trop loin dans notre mémoire mais nous avons le vague souvenir d'avoir lu, cité bien après la guerre, des articles parus en 1942 ou 43 dans un journal breton favorable à Pétain et qui tentait de récupérer Bergson en associant le concept d'espace vital ( réclamé par l'Allemagne hitlérienne) à celui d'élan vital...Reconnaissons que Bergson, d'origine juive,  qui voulait se convertir au catholicisme, ne le fit pas pour ne pas se désolidariser de ses "coreligionnaires" ( même s'il n'a jamais embrassé la religion juive) ni légitimer l'antisémitisme nazi. Qu'il nous soit permis de faire remarquer que, s'agissant du détournement de la pensée Nietzschéenne qui fit et fait encore jaser dans les gazettes et les cénacles philosophiques, il y a eu un précédent car aussi bien les nationalistes prussiens que plus tard les nazis, tentèrent de détourner la pensée de Herder ( Idées sur la philosophie de l'histoire de l'humanité) qui à la fin du XVIIIe siècle, certes s'exprima comme un homme aimant sa patrie allemande, mais exprima en même temps une pensée véritablement universaliste, comme le note  Anne -Marie Thiesse  dans son superbe ouvrage "La création des identités nationales"[6]. Or les théoriciens du nazisme interprétèrent le discours de Herder comme celui de la supériorité  de la germanité...Voilà une attitude qui ne devait pas gêner, voire qui confortait Heidegger, le philosophe  longtemps adulé par une certaine gauche intellectuelle française ! Il fut aussi question de l'articulation entre justice éthique et justice étatique, véritable problème qui fut abordé en regard de Levinas, c'est-à-dire d'une conception philosophique profondément humaine.
La dualité de l'acte juridique fait que la loi, considérée comme juste a priori, ne l'est pas toujours, et il lui arrive même de devenir injuste. Les exemples pris dans la société actuelle montrèrent la gravité du problème, mais Cicéron avait déjà abordé la question dans le De officiis : "Il existe souvent des injustices du fait des abus de la loi, et d'une interprétation certes très habile mais trompeuse du droit"[7]
Enfin, les rapports du pouvoir, du discours d'autorité avec la technologie moderne montrent que sous prétexte de gagner du temps, de faciliter la communication et les déplacements, l'intégration de la technologie à tous les niveaux de la vie quotidienne, s'accompagne d'un malaise. Les objets qui nous entourent en modifiant notre environnement, agissent sur notre identité..., et aussi transforment le discours  d'autorité....La question fut posée " contre-culture ou culture du chaos ?"
Nous en terminons avec cette vision-souvenir kaléidoscopique de nos communications et débats, en espérant que ne seront pas trop nombreux  ceux d'entre vous qui lèveront les bras au ciel en s'écriant : "Il n'a rien compris...!."
L'an prochain, si les choses se déroulent conformément aux prévisions, le colloque portera sur le sujet suivant :
Culture et valeurs : transmissions des discours, des objets et des pratiques.
Contrairement aux autres années l'appel à communication ne sera pas de mon seul fait, mais je participerai à sa rédaction avec Alessandro Zinna et Michel Ballabriga, c'est dire que le CPST sera très présent à Albi, ce dont je me réjouis. Je pense que l'appel à communications sera lancé en septembre.
Une dernière remarque très importante : plus les textes de vos communications sur "Discours d'autorité et discours de l'autorité" me parviendront tôt, mieux ce sera. Il faudrait que la date de réception ne dépasse pas (trop) le 15 janvier  2014 , et j'ose espérer en recevoir un bon nombre avant cette date
. Merci d'avance.
Amitié et bonnes vacances à toutes et à tous..
Pierre Marillaud
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[1] Lettre à Louise Collet du 7 septembre 1853.
[2] Grévisse  Le bon usage ( dernières éditions par André Goosse) . Editeur De Boeck  Duculot Paris
[3] Les extraits cités sont pris dans le texte traduit par Emile Chambry (La République Platon éditions Gonthier  Médiation 1963 pp.144 -182). Les différences par rapport à la traduction  de Léon Robin ( Platon œuvre complète Gallimard La pléiade 1950  tome 1 La République livre 5  pp. 1017-1062) ne remettent pas en cause le sens du texte, et nous supposons qu'il en est de même par rapport à des traductions plus récentes...Il fut question de Platon pendant le colloque, non dans les communications données (sauf quelques allusions) mais au cours des conversations à table...
[4] François Châtelet  1965 Platon Gallimard  Folio - Essais p.249
[5]  id. p.250
[6] Anne-Marie Thiesse  1999  La création des identités nationales  - Europe XVIIIe - XXe siècle  éditions de Seuil pp.34 - 43.
[7]  Existunt etiam saepe iniurae calumnia quaedam et nimis callida iuris interpretatione .  Calumnia peut se traduire par manigances ou par interprétations fausses.

 

الكاتب: محمد الداهي بتاريخ: الأربعاء 31-07-2013 05:09 أ£أ“أ‡أپ  الزوار: 13015    التعليقات: 0